On ne badine pas avec l'amour - Acte II - Scène 4

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Au château.
Entrent MAÎTRE BLAZIUS et LE BARON.

Maître Blazius

Seigneur, j’ai une chose singulière à vous dire. Tout à l’heure, j’étais par hasard dans l’office, je veux dire dans la galerie : qu’aurais-je été faire dans l’office ? J’étais donc dans la galerie. J’avais trouvé par accident une bouteille, je veux dire une carafe d’eau : comment aurais-je trouvé une bouteille dans la galerie ? J’étais donc en train de boire un coup de vin, je veux dire un verre d’eau, pour passer le temps, et je regardais par la fenêtre, entre deux vases de fleurs qui me paraissaient d’un goût moderne, bien qu’ils soient imités de l’étrusque.

Le Baron

Quelle insupportable manière de parler vous avez adoptée, Blazius ! Vos discours sont inexplicables.

Maître Blazius

Écoutez-moi, seigneur, prêtez-moi un moment d’attention. Je regardais donc par la fenêtre. Ne vous impatientez pas, au nom du ciel ! Il y va de l’honneur de la famille.

Le Baron

De la famille ! Voilà qui est incompréhensible. De l’honneur de la famille, Blazius ! Savez-vous que nous sommes trente-sept mâles, et presque autant de femmes, tant à Paris qu’en province ?

Maître Blazius

Permettez-moi de continuer. Tandis que je buvais un coup de vin, je veux dire un verre d’eau, pour chasser la digestion tardive, imaginez que j’ai vu passer sous la fenêtre dame Pluche hors d’haleine.

Le Baron

Pourquoi hors d’haleine, Blazius ? Ceci est insolite.

Maître Blazius

Et, à côté d’elle, rouge de colère, votre nièce Camille.

Le Baron

Qui était rouge de colère, ma nièce, ou dame Pluche ?

Maître Blazius

Votre nièce, seigneur.

Le Baron

Ma nièce rouge de colère ! Cela est inouï ! Et comment savez-vous que c’était de colère ? Elle pouvait être rouge pour mille raisons ; elle avait sans doute poursuivi quelques papillons dans mon parterre.

Maître Blazius

Je ne puis rien affirmer là-dessus ; cela se peut ; mais elle s’écriait avec force : Allez-y ! Trouvez-le ! Faites ce qu’on vous dit ! Vous êtes une sotte ! Je le veux ! Et elle frappait avec son éventail sur le coude de dame Pluche, qui faisait un soubresaut dans la luzerne à chaque exclamation.

Le Baron

Dans la luzerne ?… Et que répondait la gouvernante aux extravagances de ma nièce ? car cette conduite mérite d’être qualifiée ainsi.

Maître Blazius

La gouvernante répondait : Je ne veux pas y aller ! Je ne l’ai pas trouvé ! Il fait la cour aux filles du village, à des gardeuses de dindons. Je suis trop vieille pour commencer à porter des messages d’amour ; grâce à Dieu, j’ai vécu les mains pures jusqu’ici ; — et tout en parlant elle froissait dans ses mains un petit papier plié en quatre.

Le Baron

Je n’y comprends rien ; mes idées s’embrouillent tout à fait. Quelle raison pouvait avoir dame Pluche pour froisser un papier plié en quatre en faisant des soubresauts dans une luzerne ? Je ne puis ajouter foi à de pareilles monstruosités.

Maître Blazius

Ne comprenez-vous pas clairement, seigneur, ce que cela signifiait ?

Le Baron

Non, en vérité, non, mon ami, je n’y comprends absolument rien. Tout cela me paraît une conduite désordonnée, il est vrai, mais sans motif comme sans excuse.

Maître Blazius

Cela veut dire que votre nièce a une correspondance secrète.

Le Baron

Que dites-vous ? Songez-vous de qui vous parlez ? Pesez vos paroles, monsieur l’abbé.

Maître Blazius

Je les pèserais dans la balance céleste qui doit peser mon âme au jugement dernier, que je n’y trouverais pas un mot qui sente la fausse monnaie. Votre nièce a une correspondance secrète.

Le Baron

Mais songez donc, mon ami, que cela est impossible.

Maître Blazius

Pourquoi aurait-elle chargé sa gouvernante d’une lettre ? Pourquoi aurait-elle crié : Trouvez-le ! tandis que l’autre boudait et rechignait ?

Le Baron

Et à qui était adressée cette lettre ?

Maître Blazius

Voilà précisément le hic, monseigneur, hic jacet lepus. À qui était adressée cette lettre ? À un homme qui fait la cour à une gardeuse de dindons. Or, un homme qui recherche en public une gardeuse de dindons peut être soupçonné violemment d’être né pour les garder lui-même. Cependant il est impossible que votre nièce, avec l’éducation qu’elle a reçue, soit éprise d’un tel homme ; voilà ce que je dis, et ce qui fait que je n’y comprends rien non plus que vous, révérence parler.

Le Baron

Ô ciel ! ma nièce m’a déclaré ce matin même qu’elle refusait son cousin Perdican. Aimerait-elle un gardeur de dindons ? Passons dans mon cabinet ; j’ai éprouvé depuis hier des secousses si violentes, que je ne puis rassembler mes idées.

Ils sortent.

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